Les échecs de raccordement à la fibre se résolvent difficilement
Le déploiement de la fibre continue de progresser mais les abonnements progressent lentement. Les échecs de raccordement deviennent de plus en plus nombreux et empêchent les abonnements fibre. Petit tour des points de blocage.
Le déploiement de la fibre optique progresse avec 22,2 millions de locaux couverts (+1,419 million) au 30 septembre dernier. Cependant, seulement 9,2 millions de foyers (+900 000) ont un abonnement à la fibre. Cette différence entre les déploiements et les abonnements viennent des échecs de raccordements, avec de nombreux cas différents. Selon l'AVICCA, une association des collectivités travaillant sur le numérique, le taux d'échec peut atteindre jusqu'à 40% sur certaines communes. Avec 60 millions de consommateurs, remontons le parcours de la fibre pour comprendre les erreurs.
Local : es-tu là ? si tu es là, peux-tu me montrer le chemin ?
Commençons par le local. Que ce soit une habitation (appartement ou maison) ou un local professionnel (bureau, magasin, entrepôt,...), leur localisation est recensée dans la Base Adresses de l'administration. Mais cette base est peu mise à jour, voire mal mise à jour, par les collectivités et les entreprises l'utilisant. Cette référence de nombreux secteurs est aussi transmise lors des contrats aux opérateurs d'infrastructures (Orange, SFR FTTH-Covage, Axione, Altitude Infrastructure,...) pour le déploiement de la fibre. Les nouveaux locaux (nouveaux terrains constructibles, nouveaux immeubles ou coupe d'un local ou d'un terrain) peuvent ne pas être répertoriés, et ne peuvent pas être couverts sans intervention de la collectivité ou de l'opérateur.
Même si le local est bien identifié, l'accès à ce dernier peut poser problème. Le déploiement de la fibre prévoit la réutilisation du génie civil téléphonique avec une priorité pour le souterrain. Cependant peu de propriétaires, et encore moins de locataires, connaissent le parcours de leur ligne sous leur terrain. Sur certaines propriétés, des regards d'accès sont installés et souvent oubliés. Si le déploiement doit se faire en aérien, les opérateurs d'infrastructure ont signé des conventions avec Enedis pour utiliser les poteaux électriques proches, mais uniquement en cas de poteaux téléphoniques inutilisables. De plus, les poteaux peuvent avoir des limitations de charges. L'idéal serait de faire intervenir une trancheuse pour créer une tranchée neuve pour la fibre, mais le tarif élevé de l'intervention rebute de nombreux propriétaires.
Les points de mutualisation : points de saturation
En revanche, si le local est prêt à être raccordé, reste le problème de saturation des points de branchement ou de mutualisation. En effet, avec des données peu récentes, les points de branchement optique (d'étage ou de rue) peuvent être sous-dimensionné par rapport à la situation actuelle. Dans un immeuble, un habitant du 1er étage peut même être raccordé à la fibre sur le point de branchement du 5ème au lieu de celui du 2ème, qui aurait été saturé par la découpe d'un appartement sur ce même étage.
Dans les points de mutualisation de quartier ou d'immeuble, certaines pratiques de déploiement accentuent les problèmes de saturation. Afin de connecter le maximum de clients, certains intervenants n'hésitent pas à couper la connexion d'un abonné déjà présent pour connecter le nouvel abonné à un point et terminer son opération. Dans certains cas, les instructions fournis par l'opérateur indiquent ce point occupé. Mais l'abonné débranché va devoir contacter le service client pour obtenir une intervention d'un technicien pour le rebrancher sur un point disponible.
Les points de mutualisation en extérieur peuvent aussi être victimes d'incivilités : on recense de nombreux cas ponctuels de boitiers éventrés par un accident de la circulation ou endommagés par une porte laissée ouverte, sans compter les actes malveillant (coupures de fibre, sabotages, pelleteuses, ...)
Sous-traitance en chaine
Si tout est prêt, même dans le meilleur des mondes, le raccordement le jour J peut devenir un enfer. La plupart des intervenants sont des sous-traitants des opérateurs. Ils respectent les directives de l'opérateur client, mais ces dernières présentent de grandes différences de méthodologie dans le raccordement. Contraint par la limite de temps pour les interventions ou le nombre d'interventions par jour à traiter, ils ne respectent pas les directives en installant à la va-vite la fibre avec une ligne apparent ou un boitier fibre sans fixation.
Dans les points de mutualisation, les différentes entorses dans les directives de déploiement ont créé de vrais "plats de spaghetti" dans les armoires. L'ARCEP tente de remettre de l'ordre sur ce point.
Plus le déploiement de la fibre augmente, plus la demande de cette technologie augmente. Mais les différents défauts vont rebuter la plupart des abonnés DSL à migrer et limiter l'attrait de la fibre. Les opérateurs et les collectivités doivent remettre de l'ordre dans cette cascade de problèmes, sinon une intervention de l'Etat (via l'ARCEP) sera nécessaire.
