25 ans de l'ANFR : interview de G. Bregant, Directeur Général

25 ans de l'ANFR : interview de G. Bregant, Directeur Général

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L'ANFR fête ses 25 ans ! L'actuel Directeur Général de l'ANFR, Gilles Brégant, a répondu aux questions de EchosDuNet by Selectra. Il revient sur les actions et les pouvoirs de l'ANFR mais également des enquêtes de l'agence, les brouillages et les antennes-relais.

Photo de Gilles Brégant
Gilles Brégant, Directeur Général de l'ANFR - photo ANFR
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L'ANFR : quoi, pourquoi et comment ?

On va commencer par vous et votre parcours, techniquement, qu'est-ce qui vous a amené vers l'ANFR ?

Initialement, ma formation m'a amené vers l'ANFR, puisque je suis ingénieur des télécommunications. Certains professeurs étaient très intéressants sur les thèmes des faisceaux hertziens et du codage. Puis, je me suis plutôt dirigé vers tout ce qui était numérisation de la communication. De fil en aiguille, je suis arrivé sur le sujet de la TNT (Télévision Numérique Terrestre), d'abord à Bercy (Ministère de l'Économie), puis, ensuite, au CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel), maintenant l'ARCOM. La TNT était un sujet passionnant car il a fallu réaménager des milliers de fréquences en France pour pouvoir arrêter la télévision analogique et puis implanter la TNT. Et, finalement, après avoir travaillé dans le domaine des fréquences audiovisuelles, j'ai travaillé dans le domaine des fréquences tout court donc à l'Agence Nationale des Fréquences (ANFR) où on a travaille l'ensemble du spectre radioélectrique. C'est vraiment un sujet passionnant qui est en mouvement constant.

Avant la création de l'ANFR, qui était chargé de ses missions ? 

En réalité, les missions de l'ANFR étaient réparties dans plusieurs ministères (9). L’ANFR eut l'originalité de rassembler toutes les missions relatives au spectre dans un même lieu. L'avantage permet de réunir les spécialistes à plein temps. Donc l'ANFR a plusieurs missions :

  • Une mission dite « d'urbaniste », consiste à dire ce qui est dans chaque couleur de la fresque des fréquences. Cette mission était assurée par un comité interministériel, qui se réunissait de temps en temps auprès des premiers ministres, pour modifier « l’occupation des sols ».
  • L’ANFR contrôle les émissions sur place et assure le contrôle des brouillages entre les différentes utilisateurs.

L’ANFR a permis de regrouper les outils de contrôle avec des contrôles multi-bandes. Il n'y a plus de problèmes de frontières entre les bandes, puisque l’ANFR est un système fédéral qui concerne tous les usagers. Elle permet également d'acheter des outils de contrôle qui sont, à la fois, plus performants et mieux les amortir, puisqu'on peut s'en servir pour toutes les bandes de fréquence.

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Les enquêtes : du brouillage à l'amende

Votre mission est, entre autres, de repérer les brouillages. Comment cela fonctionne ? Vous avez des stations vigies ? Quel est leur rôle ?

Alors, oui, il y a des agents qui ont ce rôle. Mais, avant de régler les brouillages, la première mission de l'agence est, d'abord, de les prévenir, car les fréquences sont un peu magiques. Elles permettent de faire des tas de choses mais le problème principal des fréquences : les brouillages.

Pour éviter que les brouillages se produisent, il faut d'abord s'assurer que les autorisations permettent de fonctionner sans brouiller le voisin. On a d'abord tout un système à priori : avant la mise en œuvre de l'émetteur, il faut demander l'autorisation de mettre en place un émetteur assez puissant (émetteur radio, téléphonie, audiovisuel, pompiers, radars, etc.) Il y a d'abord un contrôle de l'insertion de l'émetteur dans le paysage radioélectrique qui permet de s'assurer que, à priori, cela va bien marcher et ne va brouiller personne.

Ensuite, si jamais des brouillages se produisent, la source principale pour l'enquête est tout simplement la plainte en brouillage qui va être faite par l'usager dont la fréquence est inexploitable. L'ANFR a effectivement quelques systèmes qui permettent de superviser l'usage du spectre. Ils sont situés près d'installations qui sont un peu plus sujettes aux complications comme, parfois, les aéroports ou simplement les grandes villes.

Mais, en général, pour pouvoir faire une enquête de brouillage, même si un site permet de dégrossir, le plus souvent, l'ANFR va envoyer une équipe sur place. Beaucoup de brouillages n'ont pas une très grande portée, donc l'agence n'a pas assez de sites pour pouvoir évidemment savoir ce qui se passe sans se déplacer. Les enquêteurs vont se déplacer avec un camion ou une voiture, si c'est plus simple.

Quand vous notez une perturbation, que se passe-t-il ?

L'ANFR va envoyer des enquêteurs, des limiers, qui vont comprendre d'où vient le brouillage et qui vont identifier la source du brouillage. Donc cela suppose d'avoir des analyseurs de spectre et aussi un certain métier. Les brouillages ne sont pas tous permanents et puissants ; ils peuvent être transitoires et mobiles. Il faut un certain flair pour trouver la source du brouillage.

Une fois qu'on a identifié la source du brouillage et donc l'auteur du brouillage, l’ANFR a 2 possibilités : dans la plus grande partie des cas, souvent, le brouillage est finalement involontaire. Un appareil s'est déréglé et cela se règle à l'amiable : on explique à l'auteur qu’il est en train de créer un trouble. Il s'engage à y remédier. Sinon, il a une amende et il peut même avoir des peines pénales.

Inversement, l'autre situation est plus rare, mais, parfois, les brouillages sont liés à de la criminalité. Si la situation est délicate, l'ANFR fait appel à un officier de police judiciaire pour effectuer les contrôles dans les règles, et le cas échéant, être protégé. Si la situation devient plus complexe, l'ANFR appelle les policiers ou les gendarmes.

Combien de procès-verbaux dressés à l'année ?

L’ANFR reçoit environ 2000 signalements de brouillages par an, soit à peu près 7 par jour ouvrable. C'est quelque chose d'assez fréquent.

La plus grande partie des brouillages nous sont signalées par les opérateurs mobiles tout simplement, parce que les réseaux mobiles et les relais mobiles émettent mais ils écoutent aussi les téléphones (pour vérifier la présence de l'appareil). Quand il y a un problème d'écoute sur un bloc de fréquences, un relais mobile peut l'apercevoir très facilement. La France compte des dizaines de milliers de relais mobiles. Dès qu'il y a un problème de qualité de service sur un relais mobile, l'opérateur va faire une plainte en brouillage auprès de l'agence des fréquences pour qu'elle y remédie.

Souvent, ces brouillages sont, en fait, produits par des appareils, qui sont là pour la bonne cause, mais qui n'ont pas été autorisés par l'opérateur mobile : par exemple, des répéteurs pour augmenter la couverture.

Qui peut saisir l'ANFR ? Et pourquoi ?

L'ANFR peut être saisi de plusieurs façons et pour plusieurs raisons par plusieurs types de personnes.

Le plus fréquent en nombre, finalement, est un particulier qui va saisir l’ANFR parce qu'il reçoit mal la TNT. L’ANFR, est en charge de remédier à tous les troubles de réception de la TNT et se fait en relation avec l'ARCOM (l'ex CSA). L’agence a un centre d'appels qui reçoit plusieurs centaines d'appels par jour de personnes ayant un problème de réception de la TNT. Le problème peut être simplement une panne d'émetteur ou de réémetteur, mais, le plus souvent, surtout en cette saison, cela peut être lié à des problèmes de météo qui troublent la propagation des fréquences et qui font des brouillages à longue distance. Ils représentent le plus grand nombre et ne sont pas forcément les situations les plus complexes. Sur les 2000 enquêtes par an, l'ANFR recevait jusqu’à 200 demandes par jour pour la TNT.

Photo d'une sonde large bande permettant une mesure globale de l’exposition
Sonde large bande pour les mesures - photo ANFR

Les enquêtes classiques sont plutôt provoquées par des professionnels, notamment, des opérateurs mobiles, Météo France et des opérateurs aéroportuaires, qui vont signaler des brouillages à l'agence.

On peut aussi saisir l’ANFR par tout un chacun, que ce soit un particulier ou même une collectivité locale, pour prendre des mesures d'exposition. C'est gratuit et, dans ce cas-là, l’ANFR envoie un laboratoire accrédité qui va faire une mesure d'exposition dans votre salle de séjour, sur la place du village, où vous voulez en quelque sorte, et les résultats sont publiés sur le site Cartoradio.

En tant que citoyen, y a-t-il des fréquences qu'il est illégal de capter ?

Oui, il y en a ! Certaines fréquences ne peuvent être captées qu'avec des appareils qui ne sont accessibles que sur autorisation, notamment la plupart des fréquences servant au contrôle de l'ordre public. Donc, vous n'avez pas le droit de posséder, par exemple, un scanner qui permet d'écouter les fréquences de police. C'est interdit. Mais, du côté de l'agence des fréquences, nous ne faisons de contrôle que sur les émissions, pas sur la réception.

Typiquement, si quelqu'un a des appareils chez lui qui lui permettent d'écouter des fréquences qui n'a pas le droit d'écouter et qu'il y a une perquisition à laquelle participe quelqu'un de l'agence des fréquences, on va le dénoncer au procureur de la République. Mais nous ne sanctionnerons pas cet usage. Nous allons plutôt sanctionner les personnes qui détiennent des émetteurs interdits, puisque ce sont, surtout, les émetteurs qui vont perturber les signaux.

Ça existe encore les émissions de radio illégales à vocation militaire ou de déstabilisation d'un autre pays comme cover opération ?

A ma connaissance, je ne crois pas. Cela étant, je ne sais pas ce qui se passe dans toutes les gammes de fréquences et dans tous les pays du monde. Mais aujourd'hui, la radio sert aussi à faire la guerre. On voit, en Ukraine malheureusement, plein de choses qui se passe dans le domaine des fréquences. Il existe aussi des brouillages satellitaires, par exemple, qui sont provoqués par certains États souverains qui ne sont pas d'accord avec certains programmes et, finalement, aveuglent les satellites de diffusion de télévision. Ces situations sont régulièrement dénoncées à l’UIT et font l'objet de plaintes, cette fois-ci, d'État à État. (L'un des exemples récents, est l’opérateur Eutelsat qui se plaint régulièrement des brouillages faits par l'Iran qui essaient de masquer les émissions de la BBC en farsi).

Le DAS (Débit d'Absorption Standardisé)

L’ANFR doit contrôler les DAS des appareils. Comment procède l’agence ? Comment sont choisis les appareils testés ?

L'agence va, en fait, prélever des appareils, d'abord dans le commerce. Les appareils testés sont vraiment ceux que vous pouvez acheter, pas des prototypes fournis par le constructeur. L’ANFR va prélever, à la fois dans des boutiques mais aussi dans des entrepôts, par exemple de la grande distribution par correspondance, Amazon pour ne pas le citer, ou d'autres. Ces appareils vont ensuite être envoyés à l’Agence. D'abord, l'ANFR va vérifier au niveau de l'agence que l'appareil est conforme.

Elle vérifie aussi que l'étiquetage est conforme dans la boutique, puis elle va l'envoyer à un laboratoire accrédité, dont elle fait régulièrement tourner l'attribution par un marché public. Le laboratoire va vérifier le DAS en appliquant les mesures normatives du DAS, puisque celui-ci nécessite des mesures précises. Ce laboratoire fait cette mesure, sous sa responsabilité avec son habilitation et sa certification. En fonction des résultats, l'ANFR va ensuite rentrer en procédure si jamais ceux-ci sont mauvais avec le fabricant, le distributeur et/ou l'importateur.

Du coup, les tests sont donc réalisés en laboratoire mais est-ce qu’il y a aussi des tests qui ont lieu en plein air afin de mieux coller avec la réalité des usages ?

Non, les tests opposables sont ceux qui sont faits en laboratoire. Les tests sont faits sur le DAS maximal. C'est un peu comme si on testait par exemple des écouteurs : vous savez que les écouteurs ne doivent pas dépasser tant de décibels pour ne pas faire de lésion aux tympans. En fait, le test de la puissance max du DAS c'est un peu la même chose, on va vérifier que le téléphone ne peut pas dépasser le DAS maximal.

Il faut savoir que le DAS maximal est assez rarement atteint par le téléphone : en fait, typiquement, le DAS maximal va être atteint quand le téléphone n’a pratiquement plus aucune barre. Il va devoir crier très fort pour que l'antenne relais puisse le capter. Quand nous ne captons plus au téléphone, nous avons parfois l'impression que c'est parce que l'antenne n’émet pas assez loin, mais, en réalité, en terrain libre, avec des montagnes ou du béton, le téléphone n'est plus entendu par l'antenne. Au fur et à mesure que le téléphone s'éloigne de l'antenne, il va monter en puissance. D’ailleurs, sur l'instruction de l'antenne qui lui dit en quelque sorte, "parle plus fort, je t'entends pas".

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Cartoradio : la carte des antennes en France

L’ANFR publie une carte des antennes mobile, radio, TV, radioamateur et satellite (cartoradio). Pratique pour savoir si une antenne est à proximité d’un anti-onde, mais aussi pour les plastiquer… une telle carte est-elle un danger pour les opérateurs concernés ?

D'abord, il faut se rassurer. Cartoradio est surtout utilisée par les collectivités locales. Cela permet d'avoir une connaissance de l'urbanisme hertzien. Les villes utilisent beaucoup Cartoradio pour comprendre comment les différentes antennes sont installées. Après il y a beaucoup d'antennes en France, donc plusieurs dizaines de milliers d'antennes, surtout les antennes relais téléphonie mobiles.

Les cas d'attaques d'antenne sont heureusement rares. Ces actions n'ont pas du tout été favorisées par Cartoradio, parce que les antennes sont déjà très visibles. Si quelqu'un veut du mal à une antenne malheureusement, c'est facile pour lui de savoir où trouver les antennes. C'est vraiment un acte criminel qui crée de réelles perturbations pour toutes les personnes qui dépendent de l'antenne. D'un seul coup, ils se retrouvent en zone blanche. Cela peut même être dangereux, car il n'est plus possible d'appeler les secours. C'est un acte répréhensible et qu'il faut absolument réprimer aujourd’hui.

Il y a eu des encouragements notamment pendant le confinement de s'attaquer aux antennes avec des absurdités qui ont été écrites sur la 5G et des antennes qui ont été endommagées alors qu'elles n'avaient pas de 5G. On a même parfois eu, d'ailleurs, des antennes qui émettent de la télévision qui ont été endommagées. Les personnes qui ont été appréhendées à la suite de ces actes, ont expliqué que l'objectif était de sensibiliser les gens à cette dépendance à la 5G. Mais les gens qui regardent la télévision sont plus nombreux que des gens qui utilisent la 5G. Ce qui est complètement absurde.

Il faut aussi signaler que le Cartoradio ne fait pas figurer les antennes un tout petit peu plus sensibles, qui servent à tout ce qui est régalien.

Chaque mois, l’ANFR met à jour un observatoire des antennes-relais. Les données proviennent-elles des opérateurs ? Que demande l’ANFR aux opérateurs ?

L’ANFR autorise chaque antenne relais et, en plus, pour chaque bloc de fréquence sur chaque antenne relais. C'est peu connu mais elle prend entre 1000 et 1500 décisions par semaine pour autoriser des antennes, par exemple, à recevoir une bande 5G ou à recevoir une nouvelle fréquence. Tout cela nécessite une autorisation. Dans le cas de la FM et de la télévision, comme c'est la liberté de communication qui prime, l’ANFR donne seulement un avis à l'ARCOM qui va autoriser l'émetteur. L’avis de l’ANFR va surtout porter, du coup, sur le niveau de l'exposition et l'insertion dans le paysage radioélectrique.

En revanche, pour tous les autres cas, l’ANFR autorise. On va avoir un examen de ce dossier. Il est traité dans nos services, qui se trouve à Brest : on va vérifier la conformité, par rapport à la licence qui est donnée par l’ARCEP, par exemple, mais on va aussi vérifier que tout se passe bien par rapport aux autres usagers du spectre alentour. Là, on va autoriser. Cartoradio reflète les autorisations données par l'agence, au fil des semaines, avec des mises à jour chaque semaine, chaque vendredi. Elles sont disponibles en Open data. Chaque mois, l'Observatoire est publié.

Sur cartoradio, on peut voir les tests des particuliers et leurs résultats. Qui sont informés des résultats, en plus de des informations sur Cartoradio ?

Quand vous voulez faire un test gratuit de niveau de champ, vous allez remplir un formulaire qui est téléchargeable sur service-public.fr qui permet de dire à quel endroit vous voulez mesurer. Elle demande un contresigne, soit par une association soit par la collectivité du village ou de la ville où vous habitez. L’ANFR va informer aussi la personne qui a contresigné ce qui s'est passé, puisque finalement ils sont impliqués dans le processus. Puis c'est important aussi pour une ville de connaître les nouveaux champs qui ont été repérés. La personne qui a demandé, peut cocher une case en demandant d'être informé mais de ne pas être publié. C’est peu fréquent mais c'est possible. Et évidemment, si on trouve un niveau de champ qui est préoccupant, un point atypique, on va, dans ce cas-là, informer l'opérateur qui est le plus contributeur, qui pourrait être à la source de ce champ élevé, et le régulateur correspondant (l’ARCEP, l’ARCOM, la Gendarmerie, et cetera). On avertit le régulateur ou la direction de l’administration responsable.

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Les enquêtes de l'ANFR : quand ça brouille, ce n'est pas clair

Pour les 25 ans de l’ANFR, on a eu droit à une collection d'enquêtes les plus marquantes de l'agence. Quelle est votre enquête préférée ?

Mon enquête préférée sera la prochaine, parce que on a toujours des enquêtes et, parfois, elles sont assez inattendues. Il se passe des tas de choses dans le domaine des ondes. Je ne vais pas choisir parmi celles qui ont été publiées mais on a régulièrement de nouvelles affaires. Plus le temps passe, plus on a des appareils complexes. Je ne parle pas seulement des appareils qui émettent, mais aussi de tous les appareils électroniques qui émettent des harmoniques mal protégées et qui créent des difficultés. Chaque fois, c'est une découverte. Les enquêtes au fil du temps seront de plus en plus complexes et de plus en plus inattendues, comme la dernière avec le sac de cette dame qui, avec un émetteur RFID, brouille un émetteur mobile.

Ces choses sont quand même assez spectaculaires, mais on va en trouver de plus en plus. La prochaine sera encore meilleure. Cela a permis de mettre de la lumière sur cette activité, avec à peu près 1/3 des personnes sur le terrain qui opèrent, tous les jours, ces contrôles. Ces contrôles ne sont pas abstraits, mais c'est une chose très concrète. C'est intéressant que l'on puisse en parler, parce que cela peut aussi susciter des vocations.

couverture de Brouilleurs d'ondes, le fascicule de l'ANFR sur les 25 enquêtes les plus marquantes
Brouilleurs d'ondes, le fascicule de l'ANFR pour ses 25 ans - photo ANFR
Qu'elle a été le brouillage le plus compliqué à repérer dans votre carrière professionnelle ?

Il y a un qui est relaté dans le petit fascicule. Celui de l'émetteur de la station météo de Trappes a été une affaire un peu complexe. Le radar météo de Trappes était brouillé en direction de Paris par ce qui semblait être un RLAN (réseau WiFi) en 5GHz. Mais, comment faire pour trouver un RLAN 5GHz dans l'agglomération de Paris à partir d’un signal qu'on ne capte qu’à Trappes, soit à des dizaines de kilomètres ? Notre enquêteur a eu un coup de chance mais il a été aussi assez astucieux, puisqu'il a regardé dans le code du wifi, il y avait un 56. Il s'est souvenu qu'il y avait 56 étages à la tour Montparnasse. L’émetteur était l’émetteur wifi du 50e étage de la tour.  C'est  parfois compliqué de trouver des débrouillages. Celui-là il était permanent mais faible. Les brouillages les plus difficiles, de très loin, ce sont ceux qui sont intermittents et mobiles, parce qu’il faut vraiment trouver des solutions pour finalement capturer le brouilleur au moment où on a le détecteur.

Quel est le type de transmission qui pose le plus d'ennuis aux autres ?

Un problème de brouillage qui peut être potentiellement le plus ennuyeux, est celui qui risque de gêner des services vraiment d'intérêt public. Tout à l'heure, on parlait de brouillage météo. Le brouillage météo est quelque chose qui est embarrassant dans beaucoup de pays d'Europe :  il y a quelques années, une décision a été prise pour autoriser des systèmes wifi à 5 GHz mais cette fréquence est une bande qui sert aussi à la détection des orages à longue distance.

En Europe, une décision rationnelle a été prise : les systèmes Wifi doivent détecter les pings du radar et se mettre sur des canaux qui ne sont pas ceux du radar. Aux États-Unis, le problème n'est pas le même : on a le même système qui fonctionne dans des bandes où il n’y a pas de radar météo. Si on prend un système qui est conçu pour les États-Unis, ce qui en général le cas, et qu'il n'a pas été configuré dans le mode Europe, il brouille les radars météo. Du coup, des azimuts du radar (la direction du radar) ne peut plus détecter les nuages, parce qu'on a quelque chose qui fait plus de bruit que les nuages. Cela grille en quelque sorte, comme si on avait un écran avec des pixels grillés. Cette situation est compliquée parce que cela demande aussi beaucoup de temps. Il faut pouvoir détecter un brouilleur, qui peut être, par exemple un système de vidéosurveillance d'un village qui se trouve à 80 km, et ce n'est pas facile de le faire avec une voiture ou un camion et avec quelques collines en plus. C'est compliqué et ça peut présenter un danger parce que la météo peut être assez mouvementée.

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Les activités de l'ANFR : de l'administratif à la prospective

Y-a-t‘il des périodes de fortes activités à l'ANFR ? Je suppose que pour les futurs JO, entre les services de sécurité, ceux de l'organisation et la production audiovisuelle, c'est un vaste projet.

Il y a les situations de rush, évidemment, comme dans toutes les organisations, mais qui n'ont rien à voir avec la situation des JO. Les JO sont vraiment quelque chose de massif, que nous n'avons jamais vu en France. Les JO vont être une très très grosse opération.

Des inspecteurs de l'ANFR effectue des contrôles sur le Tour de France 2017 avec une camionnette et leurs instruments
l'ANFR sur le Tour de France - photo ANFR

Sinon, effectivement, au quotidien, on a une activité dans tous les grands événements : le Tour de France, les 24h du Mans, le 14 juillet, la Route du Rhum. Ce sont des choses qui sont relativement bien connues. Les JO vont être quelque chose de très particulier, parce que vous avez plusieurs dizaines de sites de compétitions simultanés. Le Tour de France par exemple, il y a une vingtaine d'étapes et cela dure une vingtaine de jours. Finalement, les JO représentent un Tour de France simultané par jour, pendant 15 jours et, en plus, au même endroit ou presque. La plupart des épreuves sont situées entre Paris et la Seine-Saint-Denis. Par rapport aux fréquences utilisées, c'est dans un mouchoir de poche. Les JO vont être un très très gros programme : l’ANFR s'y prépare depuis plusieurs années et va continuer à s'y préparer. À partir de l'année prochaine, l’Agence va commencer à distribuer, avec l'accord de Paris 2024, les fréquences aux médias étrangers, à partir de février prochain. Les JO sont quelque chose qui nous prend de plus en plus de temps et d'énergie, et qui va aussi nécessiter des aides et des effectifs temporaires pendant le contrôle qui va être en 2024.

Quels sont les prochains grands chantiers prévus pour l’ANFR, outre les Jeux Olympiques ?

Les Jeux Olympiques de 2024 sont un grand chantier. Cela va nous amener à faire beaucoup de choses et à faire venir aussi d'agences étrangères pour nous prêter main forte. Ce que l’ANFR avait fait avec nos amis britanniques (OFCOM) pour Londres par exemple, ils vont nous rendre la pareille, mais c'est quelque chose qui peut être assez enthousiasmant et est un gros défi.

Comme tous les 4 ans, en 2023, l’ANFR va organiser une Conférence Mondiale des Radiocommunications (CMR) qui est une sorte de grande conférence, au cours de laquelle tous les pays membres de l’UIT, 193 pays, se mettent d'accord sur le futur usage des bandes de fréquences. L’opération dure 4 ans : elle a commencé en 2019 pour s’achever en 2023. À ce moment-là, il y aura pas mal de nouvelles décisions qui vont être prises sur les conceptions de satellites, sur l'évolution, par exemple de la banque UHF qui sert aujourd'hui à la TNT (« que va-t-il se passer dans la bande UHF dans les 10 années qui vont venir ? »). Ce sont des sujets qui sont sur la table de la CMR 23. On va aussi avoir des sujets sur la 6G. Cette conférence va être assez structurée et les décisions dureront 4 ans. Elle va avoir pas mal de choses à faire évoluer dans le tableau des fréquences pour les 4 ans qui vont suivre.

L’ANFR a aussi lancé une opération de simulation de l'exposition du public dans toute la France, en cours de test par exemple en Alsace. Il va permettre d'avoir une première idée de l'exposition sans être obligé de faire une mesure. Cela va faciliter les choses et l’Agence va pouvoir avoir une indication de l'exposition par rapport à tout ce qui est installé autour de de son habitation par exemple. Cela permettra de mieux comprendre aussi comment placer les émetteurs par la suite.

L’ANFR réfléchit aussi à une meilleure gestion du spectre : des outils existent aujourd'hui pour la gestion du spectre qui permettent de densifier encore un peu. Le spectre est comme une ville : il y a quelques dizaines d'années, c'était de nouvelles villes avec quelques pavillons, aujourd'hui, c'est Manhattan. On densifie de plus en plus avec des bâtiments de plus en plus grands, c'est-à-dire de plus en plus de de bits par seconde dans les bandes de fréquences. L’ANFR met, par exemple, en place des solutions pour essayer de flécher les sites à tester en priorité avec des méthodes d’intelligence artificielle. Elle est en train d'expérimenter ce système-là pour que nos contrôleurs contrôlent à coup sûr des antennes où on est sûr qu'il se passe des choses bizarres, en fonction de ce qu'on peut avoir accumulé pour l'expérience. Cette technique va être utilisée pendant les JO.

Par exemple, l’Agence a aussi mis en place depuis quelques temps déjà, un système qui utilise la blockchain pour attribuer des fréquences temporaires, c'est à dire qu'on est capable de coder des attributions dans la blockchain qui permet d'avoir quelque chose d'efficace, d’opposable et finalement en partie d'automatique, donc la gestion des fréquences peut être améliorée. On peut améliorer aussi l'usage simultané d'une même bande de fréquence par différents services.

L’Agence a besoin d'être à la pointe de la technologie parce que on ne le dit pas assez, mais les fréquences est un domaine qui est très « technology intensive ». On a énormément de progrès qui sont faits : des progrès au niveau des émetteurs avec une maîtrise des bandes de fréquences de plus en plus hautes avec des débits qui sont de plus en plus élevés. Il y a énormément d'intelligence collective qui est mise dans ce système et il faut que le contrôle et la gestion suivent aussi cette évolution. Il y a pas mal de choses qui sont faites à l'Agence, pour essayer d'avoir un coup d'avance et proposer des solutions quand il s'agira de faire évoluer la gestion du spectre. Bientôt, la fresque sera de plus en plus colorée et de plus en plus dense, qu’il faudra passer à la HD pour voir tous les usages.

L'intégralité de l'interview en audio est à retrouver sur la page de l'émission CPU. Cette dernière a été réalisé avec les moyens de l'émission CPU. Nous remercions Gilles Bregant d'avoir pris de son temps pour nous répondre.

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